Mai rime avec liberté, mais…

Sapiens est une espèce profondément sociale

Né immature, le développement du petit humain ne peut se faire sans la présence d’autrui. Le succès évolutif de sapiens doit par ailleurs beaucoup à ses capacités de coopération avec ses congénères. La liberté décisionnelle individuelle dont il dispose entre par conséquent en permanence en tension avec l’impact que cette liberté a sur autrui.

Analyser l’impact des décisions ne peut se réduire à une analyse au seul niveau individuel.

L’impact de ces dernières doit s’évaluer aussi au niveau du bien commun. Considérons de façon concrète l’impact des décisions dans le champ de la santé à travers les vaccinations. Un sujet largement débattu lors de la pandémie Covid-19 !

A l’échelle individuelle, la décision de se vacciner ou de ne pas se vacciner est simple à poser. Avantage, une protection potentielle (jamais complète) contre l’infection ou les formes graves de cette dernière. Inconvénient, un risque (jamais nul) d’une complication liée à cette vaccination.

Selon ma nature plus ou moins preneur de risque, je peux faire mon choix en toute liberté.

Mais l’impact de la vaccination ne se limite pas au seul individu vacciné.

Les maladies infectieuses transmissibles se transmettent, comme leur nom l’indique, d’un individu, porteur de l’agent infectieux, avec ou sans symptôme, à un autre individu. Or, le principal but d’une vaccination est en fait de freiner la transmission de l’agent infectieux pour, au final, réduire le nombre de personnes malades, voire de faire disparaître totalement la maladie de la planète (comme cela a pu être obtenu avec la variole).

Ainsi, la vaccination si elle concerne suffisamment d’individus va permettre de protéger en particulier les personnes à risque de faire des formes graves de maladie infectieuse, comme les personnes avec des défenses immunitaires réduites, pour des raisons génétiques ou en raison de traitements qu’elles reçoivent (c’est le cas de nombreuses chimiothérapies anticancéreuses). D’autant que ces personnes avec défenses immunitaires réduites peuvent souvent soit ne pas avoir la possibilité d’être vaccinées (car le vaccin peut chez elle être dangereux) soit avoir une moindre protection par le vaccin (car pour être efficace, un vaccin doit justement activer le système immunitaire de la personne vaccinés).

Bien au-delà de la protection individuelle, la vaccination a en fait un objectif de protection du bien commun. “La souffrance est individuelle, la santé est publique” disait Paul Ricoeur. Lorsque je me vaccine, j’accepte donc de prendre le risque de la vaccination surtout en fait pour protéger le bien commun qu’est la santé. Un acte humaniste ! 

La discussion autour de la vaccination est bien sûr plus complexe que ce qui est abordé ci-dessus en quelques lignes. Dans le cas de la vaccination anti-covid par exemple, la question de la prise de risque par une population jeune en bonne santé pour surtout protéger une population âgée à très âgée est discutable ; l’impact de certains lobbies industriels dans la diffusion de certains vaccins n’est parfois pas négligeable, etc.

L’objet était surtout ici de souligner que la liberté individuelle ne peut s’envisager de façon isolée et doit prendre en compte la dimension plus large de l’impact de cette liberté sur le bien commun des congénères contemporains et à venir…

Philippe Damier – Professeur de neurologie 

Faites connaitre Muma autour de vous

Partagez notre site autour de vous !