Quand on a un doute sur un tableau on fait appel à un expert. Celui-ci, malgré la qualité apparente du tableau, sa ressemblance troublante, la technicité évidente dont a fait preuve le peintre, après un long travail et souvent plusieurs avis contradictoires, il dit « c’est un vrai Renoir, ou, c’est un faux Gauguin. » Disant cela il conclut qu’il y a -ou pas- dans ce tableau quelque chose d’unique, de subtil, de singulier qui n’appartient qu’au peintre, qui peut être habilement copié, mais jamais égalé, et qui donc fait sa valeur.
Et nous concernant, qui dit « vous êtes authentique » ? Pour reprendre la métaphore du tableau, ce qui peut permettre d’avoir l’intuition du vrai ou du faux, c’est l’émotion ressentie, « ce qu’il dégage ». Si c’est un faux sans doute dirons-nous platement « c’est beau, c’est bien fait ». Si c’est authentique peut-être ne dirons-nous rien, juste de l’émotion, quelque chose qui nous touche immédiatement, l’envie de rester devant, de le revoir, d’en savoir plus, de le partager ?
Authentique, encore un beau mot maltraité. Maltraité, galvaudé, usé, démonétisé, détourné, trahi, piégé, piégeux, comme bienveillance, résilience, éthique, liberté, humanisme… Il est souvent confondu avec la sincérité -mais la sincérité on la doit aux autres- ou avec l’intégrité -mais là aussi on la doit aux responsabilités que l’on a acceptées et à ceux qui nous les ont confiées-.
L’authenticité on la doit à soi-même elle vient de soi-même et par soi-même.
C’est en quelque sorte la combinaison de la sincérité et de l’intégrité avec soi-même. Mais comme souvent c’est un état que l’on repère plus facilement chez les autres que pour soi-même. Car l’authenticité est un état, quand la sincérité et l’intégrité sont plus des intentions, des volontés, des disciplines.
Si l’humanisme est si difficile à mettre en œuvre c’est qu’il nécessite de l’authenticité. Sinon cela risque de n’être qu’injonctions moralisatrices, « bons sentiments », vœux pieux, philosophie froide et désincarnée. Mais c’est aussi ce qui le rend puissant et universel. Car quand les hommes sont authentiques, du moins essaient-ils de l’être, ils se reconnaissent, se comprennent et se soutiennent par-delà les langues et les cultures et s’accordent sur l’essentiel : « Être humain ». Et ne sacrifier cette priorité à rien d’autre.
Patrick Margron