Petit message du conducteur de RER aujourd’hui, pour nous souhaiter une bonne journée, nous inviter à profiter du soleil, et à prendre le temps de monter tranquillement dans les rames.
Un ton naturel et aimable, une présence simple et directe à travers les haut-parleurs des wagons.
Les voyageurs écoutent, relèvent la tête, lâchent un instant leurs écrans, se regardent les uns les autres. Chacun devient visible et rend l’autre visible à travers un sourcil interrogatif ou un sourire amusé.
Et lui là-bas, dans la rame de tête, qui nous emmène vers nos journées chargées, s’incarne, devient un être humain distinct de la machine qu’il pilote. Il prend chair, réalité. Eh oui ! nous sommes conduits par une personne humaine, une vraie, qui a le souci de faire son travail au mieux, et de rajouter à son action de base des informations, un partage, une compréhension, qui suscite des émotions parmi les voyageurs.
Il nous rejoint par sa voix, il sort de sa cabine pour s’adresser à chacun de nous. Celui-là ne fait pas que « tailler des pierres », à coup sûr il « construit une cathédrale ». Il vise plus haut, plus grand, et ne réduit pas son métier à une tâche. Il exerce une mission.
Et pourtant, cet être humain qui impacte nos vies quotidiennes, est par essence invisible. On connaît son existence, mais on ne le voit jamais, on l’imagine tout au plus dans sa cabine. Et encore…
Et voilà que par la grâce de quelques phrases, il se rend visible, il apparaît, se fait proche, et n’est plus, au mieux, une réalité lointaine et indistincte. Et encore mieux, il vient nous rendre visible les uns aux autres. Il nous sort de notre espace rétréci, et nous place dans la conscience des uns et des autres Extraordinaire ! Et si simple pourtant…
L’humanisme commence là. Il se loge dans des petits gestes simples, infimes, banals, universels : quelques paroles, un sourire, un regard, une conscience de l’autre, et le monde s’en trouve profondément changé.
Bénédicte Boillot