Construire l’humanisme du XXIe siècle (actualité de février 2023)

Le groupe de travail portant sur le concept d’humanisme au XXIe siècle s’est réuni pour la deuxième fois le lundi 23/01/23. François JULLIEN a proposé que notre réflexion sur Humanisme et Décoïncidences s’articule autour de 4 axes (1 axe par séance) : 

  • Diagnostic du contemporain ;
  • Perte de la présence ;
  • Sujet inerte, sujet alerte ;
  • Usage de l’esprit.

Une question centrale se pose :

Qu’est-ce que la société rabat pour ne pas avoir à l’affronter ? 

Au cours de cette deuxième séance, François Jullien a proposé un diagnostic du contemporain.

Le numérique est un rabattement des possibles et remet en cause notre capacité de sociabilité et d’humanité par une nouvelle aliénation.

Comme le montre François Jullien, le numérique est en apparence une ouverture infinie des possibles, mais en réalité il est une rétraction et un rabattement des possibles.
La commodité, la technicité, l’instantanéité, la réactivité caractérisent la société numérique qui se réduit à cliquer, zapper, cocher des cases toutes prêtes. Tout semble à disposition gratuitement et en continu (offre illimitée, streaming). 
L’individu s’installe dans le confort et la paresse sans prendre conscience de ce qu’il perd et désapprend : patience (j’atteins sans attendre, d’emblée dans le résultat), effort (intensité minimale), volonté, désir, réflexivité, capacité d’attention et de concentration, cheminement par soi-même (accéder à). Il y a donc une disparition des résistances et des opacités. 

Qu’est-ce que la commodité défait de l’humain ? La capacité à choisir. Trop de choix, moins de choix ! Trop de possibilités tuent la possibilité ! Il n’y a plus d’alternative et le choix devient aléatoire. La capacité d’initiative est en retrait et se défait à cause de l’emboitement. La commodité a d’autres revers : le stress généré par la modernité jusqu’à l’angoisse (différent de la fatigue due à l’effort) et la déréliction (laissé tout seul à soi-même). Tout s’égalise, s’uniformise : il n’y a plus d’incommensurable ! Le numérique remet en cause notre capacité de sociabilité et d’humanité !
Dans quelle aliénation cela nous met ? L’addiction numérique nous rend autre que soi-même. Avant on savait ce qui nous aliénait, maintenant on est complice de l’aliénation dans laquelle on se met. On ne sait plus penser le manque, la mort et donc on ne vit plus. Comment faire face à ce qui n’a plus de face ?  L’humanisme est dans la désaliénation et l’ipséité (être soi-même).

Cette transformation numérique silencieuse contre laquelle on ne peut pas se révolter
 est à l’œuvre

On parle souvent de crise du contemporain mais le mot crise revêt deux significations différentes : crise se dit krisis en grec et signifie trancher alors que crise signifie difficulté/opportunité en chinois.
La numérisation de la société est une transformation silencieuse, une évolution qu’on ne voit pas se faire, globale et continue, qui ne se démarque pas. On n’a pas de prise sur le numérique et on ne peut pas agir dessus. On ne peut pas se révolter et s’en affranchir car il est invisible, contrairement au dérèglement climatique contre lequel on peut se révolter compte tenu de sa visibilité (événement sonore). 
L’homme a fabriqué un nouvel âge et une nouvelle époque. Reste à savoir si c’est un creux, une fin ou une nouvelle période. Est-ce que l’homme accepte et assume d’être sujet ? 

La perte d’humanité n’est-elle pas une transformation silencieuse dans l’invisible ?
Comment ne pas faire un diagnostic qui ne soit pas une autopsie ?
Face à ce diagnostic du contemporain, on peut noter trois attitudes :

  • Commenter le présent (journalistes) ;
  • Gérer ou diriger le présent (politiques) ;
  • Blâmer ou dénoncer le présent (moralistes).

L’attitude du philosophe est différente :

  • Etre ni conformiste ni réaliste ;
  • Regarder ce qu’il a sous les yeux et voir à travers ;
  • Éprouver par le temps ;
  • Ne pas revendiquer l’humanisme par idéalité.

François Jullien propose de dé-coincider : ouvrir un écart, fissurer, prendre du recul pour diagnostiquer et avoir prise avant qu’il ne soit trop tard.

Synthèse établie par Alexandre Coulet

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