Hommage : L’Antigone de Téhéran

J’ai vu Antigone déambuler en sous-vêtements sur le campus d’une université iranienne.

Une Antigone à bout de désespoir et refusant la soumission à un ordre social dont le contrôle du corps des femmes est un des piliers.

Dans le mythe grec, Antigone décide de défier le Roi Créon en donnant à son frère Etéocle, des funérailles décentes, malgré l’interdit royal. En pleine nuit, Antigone accomplit le rite funéraire. Surprise par des gardes, elle est traduite devant le roi et justifie son acte en disant que les lois divines prévalent sur la loi des hommes. Depuis l’Antiquité, Antigone incarne la résistance et la transgression des interdits.

L’Antigone de Téhéran est victime d’une loi divine édictée par des hommes. Il y a bien longtemps qu’on a dépassé en Iran tout comme en Afghanistan, le stade du recul du droit des femmes, pour arriver au refus du droit d’être femme.

J’ai vu l’Antigone perse marcher les bras croisés, forte de l’énergie de son courage nourri de désespoir

Abandonnée par toutes celles qui chez nous, dans nos contrées libres, décident de déambuler elles, sous le linceul de l’obscurantisme, sans prendre aucun risque et en étant de plus soutenues, par la lâcheté ambiante qui accepte l’inacceptable au nom de la « liberté des femmes de s’habiller comme elles le veulent » …

J’ai honte Antigone … honte de ces sœurs malveillantes qui se font en toute bonne conscience, le soutien lointain et implicite des bras qui t’ont battue et enfermée.

L’Antigone de Jean Anouilh, écrite et jouée au théâtre en 1944 dénonçait l’ambiance de collaboration délétère de la société d’alors.

Aujourd’hui, certains ont bonne conscience d’affirmer défendre la liberté alors qu’ils ne défendent que leurs positions, qui vont bien souvent à l’encontre lu respect et de la dignité d’autrui. Pour ma part, je ne me connais qu’une radicalité, celle du refus de la compromission

L’Antigone du mythe guidait Œdipe, son père aveugle, condamné à l’obscurité … Puisse l’Antigone de Téhéran être la belle étincelle qui rallumera le feu de la révolte …

Le roi Créon condamna Antigone à être emmurée vivante, elle préfèrera se donner la mort. L’Antigone de Téhéran refuse, elle, d’être emmurée vivante. 

Elle s’appelle Ahou Daryaei, à Téhéran elle étudie le français … La langue du pays des Lumières … Ne serait-ce que par respect pour son courage insensé, combattons ceux et celles qui chez nous, sont les enfants gâtés des Lumières et collaborent activement avec les ténèbres, bien confortablement et sans risquer quoi que ce soit.

L’Antigone du mythe avait transgressé par amour pour son frère … Combien de ses frères vont-ils transgresser par amour pour Ahou Daryaei, et combien parmi celles qui chez nous, se disant féministes tout en défendant le port du voile, vont-elles élever la voix ?

Où es-tu Antigone ? Que subis-tu à l’heure où j’écris ces lignes ?

Isabelle Aurerin

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