L’humanisme, on le sait, prône une approche centrée sur l’humain, sa dignité et son épanouissement au niveau collectif, tandis que l’authenticité met davantage l’accent sur la sincérité et la fidélité de l’individu envers lui-même. Cette juxtaposition soulève plusieurs questions cruciales : Peut-on être authentique tout en restant fidèles aux idéaux humanistes ? En d’autres termes … l’authenticité personnelle peut-elle parfois entrer en conflit avec une vision humaniste de la société ? Allons puiser dans l’Histoire, deux exemples, sources de réflexion…
Thomas More et Henri IV : Deux postures, deux visions de l’authenticité et de l’humanisme
Thomas More (1478-1535) ou l’incarnation de l’authenticité absolue …
Thomas est Lord Chancelier et à ce titre le plus proche conseiller du Roi Henry VIII d’Angleterre. Quand ce dernier rompt avec Rome (au sujet de son divorce que le Pape refuse de valider), il demande à ses sujets de le reconnaître comme seul chef de l’Eglise anglaise dont l’autorité supplantera désormais celle du pape … Or, Thomas, catholique convaincu, refuse de reconnaître une autre autorité spirituelle que celle du souverain pontife … Henry VIII furieux le fait accuser et juger pour haute trahison … Auparavant, sa famille, ses proches (le roi lui-même) tentèrent pendant un an de le convaincre de revenir sur sa décision (une simple signature en bas d’un décret pour sauver sa vie !). Thomas refuse : Il sera exécuté en juillet 1535.
Henri IV (1553-1610) ou Le pragmatisme humaniste au service du bien commun
Henri III de Navarre (il n’est pas encore Henri IV à ce moment-là), chef du clan protestant au moment où les guerres de religion font rage en France, se retrouve, au cours de la nuit de la St-Barthélémy (24 août 1572) sommé de se convertir au catholicisme … Il abjure donc sa foi, sauvant ainsi sa vie, ce qui lui permettra en 1589 de devenir Roi de France et de ramener la paix dans le pays avec la promulgation de l’Edit de Nantes en 1598, qui mit fin à 35 ans de guerres civiles.
Ces deux exemples mettent en lumière, des façons de concilier (ou non !) humanisme et authenticité. More s’inscrit dans une démarche où les valeurs individuelles priment sur les contingences politiques et/ou sociales. Cependant, son geste – bien que tragique – tend à défendre le principe de la liberté de conscience, quitte à en payer le prix fort.
Henri IV incarne une forme d’authenticité plus souple, ancrée dans un humanisme pratique. En ajustant ses convictions religieuses aux nécessités politiques, il a œuvré pour la paix et l’unité de son royaume, démontrant que l’authenticité peut aussi s’exprimer dans la capacité à dépasser les clivages, tout en restant fidèle à des valeurs fondamentales comme la réconciliation.
Leçons à tirer de ces deux exemples historiques :
L’exemple de More nous enseigne que l’authenticité même dans sa forme la plus rigide, peut être source d’inspiration pour défendre des idéaux face à l’oppression, celui d’Henri IV montre que l’humanisme peut s’épanouir dans la recherche d’un équilibre entre fidélité à soi et responsabilité collective.
En conclusion : Une synthèse possible ?
La tension entre humanisme et authenticité ne constitue pas une opposition irréconciliable, mais une dynamique complexe où chaque individu fait bouger son propre curseur pour trouver sa voie.
Humanisme et authenticité peuvent être vus non comme des opposés, mais comme des pôles entre lesquels l’humain oscille constamment. Une réflexion approfondie sur leur relation peut aider à mieux comprendre les enjeux de notre époque : comment concilier l’épanouissement individuel avec la construction d’une société en perpétuelle mutation et ses contraintes ? Cette question, qui traverse aussi bien la philosophie que la politique et l’art, reste au cœur de la condition humaine.
Humanisme et authenticité sont toujours au cœur d’un mouvement perpétuel dont chacun d’entre nous porte le tempo qui lui est propre.
Isabelle Aurerin