La tolérance, chemin de l’acceptation de l’autre… et de soi

Le thème de la newsletter de ce mois étant « la présence à l’autre », j’ai choisi de l’aborder sous l’angle de la tolérance. Je note, avant toute chose, que tolérance est un nom féminin. Il s’agirait donc d’une vertu principalement féminine qui serait, de fait, plus facilement accessible à la femme qu’à l’homme… 

Il existe de nombreuses définitions de la tolérance, mais ce qui est intéressant, c’est que la notion de tolérance touche des domaines aussi variés que la religion, la morale, la physique (la tolérance étant la marge acceptable entre deux températures, par exemples), juridique, sociologique, etc. 

Du latin tolerantia, endurance, patience, résignation, elle désigne ce qui peut être accepté, supporté. Or, accepté et supporté s’opposent en ce que l’un est subi et l’autre choisi, et cette dualité fait que la tolérance est assimilée, par certains, à de la faiblesse, ce qu’elle n’est définitivement pas.

Le philosophe Alain définit, en effet, la tolérance comme étant « un genre de sagesse qui surmonte le fanatisme, ce redoutable amour de la vérité ». Quand Alain parle de « sagesse » et de « surmonter », il ne peut s’agir d’une tolérance qui résulterait de l’indifférence, du mépris, de la faiblesse des convictions ou du caractère. On retrace ainsi l’idée de force, nourriture souterraine de la tolérance. Il s’agit donc tant d’une vertu que d’une disposition et d’une action. 

La tolérance est une vertu qui nous renvoie au plus profond de la difficulté du rapport à l’autre.

 Elle s’inscrit dans cet espace ténu entre le rejet et l’acceptation totale, entre l’indifférence et la complicité, entre l’indulgence et l’intransigeance. L’espace entre deux individus est appelé la différence et c’est la conservation de cet espace et le respect de celui-ci qui est l’essence de la tolérance. Dans le cas contraire, l’intolérance prend place dans le non-respect par un individu des différences que l’autre porte ontologiquement, en lui, par le simple fait qu’il n’est pas moi mais autre

Cheminant dans la vie, l’homme prend conscience qu’il a en lui-même une part d’altérité, qu’un autre se cache en lui, à la fois plus lointain et plus proche que tous les autres. Découverte souvent bien amère que celle de cet autre, cet étranger, cet ennemi même quelquefois, qui n’est que soi-même enfin mis à nu. 

Mais cette découverte engendre également une profonde tolérance, fondée sur la compréhension de la nature humaine dans tous ses aspects, les plus beaux comme les plus laids, ce qui ne signifie pas pour autant que cette tolérance se nourrira d’enthousiasme naïf ou de lâche complaisance. Pour elle, beauté ou laideur dans les manifestations humaines devront être constamment dépassées comme autant d’apparences presque toujours trompeuses. On en revient à Alain, et à cette sagesse qui permet de surmonter. 

La tolérance commence donc par soi-même. Comment, en effet, pourrais-je faire preuve envers l’autre de ce dont je ne suis pas capable envers moi ? 

Apprendre à s’accepter, à se regarder tel que nous sommes est le premier pas de la présence à soi. L’éducation qui vise à se connaître soi-même permet de faire éclore la tolérance en contrecarrant les influences qui conduisent à la peur et à l’exclusion de l’autre.

Car la tolérance ne consiste pas seulement à supporter l’autre, plus ou moins contraint et forcé (on en revient à la dualité entre choisir et subir). Elle invite au contraire à l’entendre et à l’aimer pour être enrichi par lui, par ce qu’il porte de différent de nous et lui donne une place dans le monde aussi importante que la nôtre.

Si j’impose ma vision du monde à l’autre, je le prive de sa liberté et, dans le même élan, je me prive aussi de cet enrichissement que m’aurait apportée sa vision du monde que je l’empêche de partager.

Ainsi, en cultivant la tolérance, je développe ma capacité à accepter et à respecter des idées, des manières d’agir, des sentiments différents des miens, je permets à chacun d’être reconnu dans son individualité, dans son unicité, dans son essence et dans sa liberté autant que dans la mienne.

C’est au prix de ce chemin de connaissance de soi, d’acceptation de l’autre et de compréhension du miroir qui se joue entre lui et moi que nous pouvons, ensemble, construire un édifice dans lequel chacun trouve sa place car il ne saurait tenir sans l’autre. A défaut, les cathédrales se réduisent à de simples amas de pierres…

William Cargill

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